Écriture et mise en scène
Claire Rengade composition, direction musicale
Radoslaw Klukowski comédiens
Colline Caen, Stéphane Bernard
Claire Rengade musiciens/comédiens : le groupe Slash/Gordon
Radoslaw Klukowski trompette, marching trombone, objets, voix, composition
Jérôme Ogier Contrebasse, violon, voix, composition
Laura Tejeda voix , objets, composition
Franck Giraud clarinettes, voix éclairagiste et régie générale Rodolphe Martin
Ingénieur du son Frédéric Miclet, Costumes Angèle Mignot
scénographe Elodie Monnetchargé de production : Franck Giraud et Eric Favre
La pièce est une épopée souterraine au coeur d’une machine tentaculaire, cathédrale futuriste, où bâtisseurs et chercheurs repoussent toujours plus loin les limites de l’espace et du temps. A cent lieues sous terre, l’humanité laborieuse – ici appelée « ceux de la machine », « les outillés », « ceux de l’ascenseur », « Julie », « le Vieux »… – participe à la grande entreprise de la quête des origines.
Plus ça creuse, plus on remonte le temps. Claire Rengade réussit ce tour de force d’imbriquer les temporalités – le « ici et maintenant » et le temps « dit zéro » d’avant la création. De ce joyeux télescopage sort une cosmogonie inédite avec sa galerie de créatures où l’on peut y croiser Dieu en « gueule noire », Ulysse, l’homme avant sa naissance, Adam et Eve…
Cette grotte de début ou de fin du monde s’agrège les diverses strates du temps – social, universel ou intime. Si la machine devient une matrice métaphysique, elle n’en reste pas moins un système de production avec ses rouages – plans d’action, stratégie, planning et hiérarchie. Composée en vingt quatre mouvements, la pièce se déroule allegro tout en muscle et en nerf. La parole – toujours adressée – est une musique où la langue chahutée, éclatée, contorsionnée surgit et résonne. Il y a une fragilité du vivant là-dedans, quelque chose qui échappe, en équilibre instable, au bord.
Fanny Prud’homme, conseillère artistique au Théâtre de la Tête Noire à Saran, responsable du comité de lecture.
Interview de Claire Rengade pour le théâtre Poche : Genève (extraits)
Les origines de la pièce, une visite du CERN, ne sont clairement repérables que tard dans le texte, dévoilement qui constitue l’un des ressorts dramatiques. Votre théâtre procède-t-il de préférence d’expériences vécues ?
Je me trouve des alibis pour aller à la rencontre d’univers inconnus pour moi. Mes résidences sont à la fois une curiosité de première fois, une destination de voyage si vous voulez, les yeux sont neufs, les oreilles ne perdent rien, les paysages ne sont qu’éblouissement, je me projette et j’apprends. C’est un état d’enfance : je pose des questions naïves, j’apprends une langue, j’ai une autre vie pour un temps. (..)
L’expérience au Cern est assez émouvante : en ne comprenant rien aux mots échangés, nous étions obligés d’inventer des mots communs, expérience qui sied aux chercheurs de la physique fondamentale ! Et ils valident immédiatement vos approximations langagières, ils traquent le néologisme pour l’adopter aussitôt, nous nous alimentons les uns les autres de ces découvertes. (…)
Je ne cherche pas à raconter le Cern, j’en suis incapable, je ne vais pas m’avancer en physique fondamentale, je me suis attachée au prototype gigantesque pour y planter mes mots, j’ai relu à tire larigo, Jules Verne, Dante, Reeves et Cendrars, j’ai découvert Einstein philosophe, parlé de Dieu au poste de contrôle, participé à un trafic de plants de tomates, encouragé les fantasmes autour du trou noir, appris à mesurer du grand au fil à pêche et fait des dessins séquentiels de tunnels avec des enfants du monde entier. (…)
J’imagine, et c’est ce que raconte le texte, que nous sommes tous dans cette machine qui fonctionne (on ne sait pas forcément comment, chacun a sa tâche (mais plus personne n’a le tout de ce qu’il construit), et cette machine, son graal, ce serait le temps. J’imagine encore (l’écriture peut tout) qu’une application humaine serait possible immédiatement dans le LHC (le grand accélérateur de particules), et qu’au lieu d’envoyer des protons on enverrait des gens dans les accélérateurs (pas besoin de lire Paul Virilio pour convenir que notre société ne cesse de nous accélérer !). Cette idée vient d’ailleurs d’une boutade s’un physicien qui me disait en riant qu’ »on n’était pas obligés de se comporter comme des protons ». Le décor est planté : « un homme ou un femme » parlant de « sa vraie voix », c’est à dire vous parlant sans masque et directement, vous invite à prendre connaissance de cette machine « au top », vous lit le mode d’emploi, vous propose des exercices de respiration visant à neutraliser l’angoisse (« restez froids »), qui sont aussi de réelles données du vide cryogénique, sans lequel les collisions ne peuvent avoir lieu. Nous en sommes chapitre 2, je ne déroulerai pas toute la pièce dans son explication de texte, ou s’articulent en même temps de « vraies choses scientifiques » : vitesse, température, isolation, décomposition, … du moins évidents tels que la réversibilité, l’ubiquité, le charme, la fusion, …voire de l’inconcevable comme la suprasymétrie, C’est du résonné poétique chez moi, non de l’assimilation de données, j’écris d’emblée dans l’impossible, sous influence, mode fantastique. le cerveau mode fantastique.
Citation
« Site par site on a nos lumières
très low teck non
lumières boutons
touch pannel interface agréable
vues synoptiques
acoustique systématique
en plus c’est enregistré
tout passage est filmé
je suis passé je suis dans la bande
pas de réverb pas d’écho
c’est vrai d’un bout à l’autre de la salle
je suis capable en un tour d’horizon de diagnostiquer où on en est
c’est la différence entre une machine qui fonctionne
et une machine qui fonctionne très bien »